Depuis l’avènement de ChatGPT (2023), on me demande régulièrement, ne peut-on pas utiliser une IA pour optimiser mon entrepôt, pour réduire mes coûts de transport, pour gérer mes appels d’offres… ?

Avec ma double expertise en logistique et en développement d’application 2.0, je vais essayer de faire le point sur ce sujet.

Avant tout, il me semble clé de comprendre comment fonctionne l’IA pour savoir ce que l’on peut en faire.

C’est la science qui vise à imiter l’intelligence via des algorithmes informatiques.

Pour cela, les premiers réseaux de neurones (voulant imiter le fonctionnement des neurones du cerveau) sont développés dans les années 1940. L’objectif est de permette, aux ordinateurs, d’apprendre tout seul via des entrainements sur des données.

Mais trois facteurs principaux font que ça ne décolle pas :

  • Les algorithmes ne sont pas encore assez performants
  • Les ordinateurs ne sont pas assez puissants, car un réseau de neurones c’est énormément de calculs
  • Il n’y a pas assez de données pour que les entrainements soient significatifs.

Les réseaux de neurones restent à l’état de concept pendant plusieurs décennies.

Mais, depuis :

  • La puissance des ordinateurs à exploser. Les réseaux de neurones profitent aussi très largement des capacités des processeurs des cartes vidéo qui permettent de faire de multiples calculs en parallèle, là où les processeurs traditionnels sont limités par le fait qu’ils font les calculs les uns après les autres.
    Ce point permet de comprendre le boom en bourse de la société NVidia (qui est le leader des processeurs pour carte vidéo) porté par l’envolée de l’IA.
  • Les données disponibles pour l’apprentissage ont vu, eux aussi, leur volume explosé avec la démocratisation d’Internet depuis les années 2000.
    Et surtout depuis que les internautes peuvent créer du contenu (sur Wikipédia, les forums, les réseaux sociaux…).
    Et oui, vos commentaires, vos images, vos vidéos postés sur internet, servent largement à l’apprentissage de l’IA actuel.
  • Les algorithmes de réseaux de neurones se sont perfectionnés grâce à l’engouement des mathématiciens rendu possible par la levée des contraintes de puissance et de données disponibles. C’est l’apparition des Data Scientists. Car l’IA actuelle c’est principalement de la probabilité et des statistiques.


Comment fonctionne un réseau de neurones ?

Un réseau de neurones est un algorithme qui reçoit beaucoup de données et qui va notamment en ressortir des caractéristiques significatives (Patterns). C’est sur quoi repose le Deep Learning (ou apprentissage profond) et les Large Language Model (utilisé par ChatGPT).🤔😵🤪

Pour comprendre, et vous allez voir que c’est important, le plus simple est d’expliquer comment fonctionnement d’un réseau de neurones pour reconnaitre le contenu d’une image.

Prenons un cas très simple, l’image d’un carré en noir et blanc :

En informatique, une image est composée de pixels.

L’image de notre exemple est extrêmement simple, elle est composée de 16 « colonnes » et 16 « lignes » soit 256 pixels (16×16).

Une vue en pixels pourrait donner cela :

Le réseau de neurones va prendre, en entrée, les 256 pixels et va regarder les caractéristiques significatives de leurs liaisons.

Je simplifie, mais, ici, il va s’apercevoir qu’il y a la même quantité de pixels noir d’une ligne à l’autre, aux mêmes colonnes, sur une suite de 10 lignes et 10 colonnes.

Et si on lui envoie une autre image d’un carrée, il va faire le même type de constatation.

Ok, mais comment il sait que c’est un carrée ?

C’est là qu’intervient une autre dimension du Deep Learning, qui est l’étiquette (labels).

Dans sa phase d’apprentissage, il faut dire à l’IA que l’image envoyée est un carré.

Et si on lui envoie des milliers d’images avec des carrés et d’autres avec d’autres formes et qu’à chaque image on lui donne la bonne étiquette, à force, il saura associer que quand il y a la même quantité de pixels d’une ligne à l’autre sur un même nombre de colonne que de ligne, c’est un carré.

L’avantage, c’est que les photos sur internet sont souvent associées à des titres.

Donc en analysant des millions de photos sur internet l’IA peut apprendre d’elle-même.

Et comme parfois, les titres sont erronés, elle utilise des formules statistiques pour essayer d’écarter les erreurs.

Cela dit, ça ne suffit pas et des milliers de personnes dans le monde sont payées à étiqueter, notamment des photos, pour permettre l’apprentissage des IA.

Et si on lui envoie les pixels d’une image de rond ?

Je n’en n’ai pas parlé avant, mais un traitement préalable de l’image (phase de flattening indispensable pour intégrer une image en entrée d’un réseau de neurones), va donner quelque chose qui pourrait être représenté comme cela :

Et là, le réseau, en testant toutes les combinaisons possibles de ces 256 pixels, va identifier (je simplifie toujours) qu’il y a une ligne de pixel noirs qui s’agrandie dans les lignes suivantes puis qui se rétrécie de manière proportionnelle dans les lignes suivantes.

Là, c’est simple, on n’a des images de 256 pixels en noir et blanc.

Mais pour traiter une image en couleur de plusieurs centaines de milliers de pixels (les photos des réseaux sociaux), ce n’est pas la même chose et les algorithmes de pré-traitement (flattening) et de réseaux de neurones doivent être hyper puissants.

Voilà, c’est comme cela que fonctionne un réseau de neurone d’identification d’images. Il identifie des Patterns et associe ces Patterns à des étiquettes qu’on lui donne.

Toujours en simplifiant, pour identifier un chien sur une image, il va voir qu’il y a 2 Patterns de rond espacés de x% (les yeux) et plus bas un autre Patterns de rond (la truffe) puis au-dessus 2 Patterns de triangle (les oreilles), … et tous ces Patterns assemblés font qu’il a de fortes probabilités que ce soit un chien.

En réalité, c’est bien plus complexe, les oreilles peuvent être baissées, les yeux fermés… et il y a aussi des Patterns pour la texture, la couleur, l’environnement, mais aussi des notions de généralisation et d’abstraction… 😰


Comment fonctionne ChatGPT ?

L’entrainement des LLM (Large Language Model), comme ChatGPT, se fait en aspirant une grande partie des données présentes sur Internet.

Pour ChatGPT4, c’est :

  • Des pétaoctets de données (plusieurs millions de mégaoctets)
  • Des superordinateurs dotés de milliers de processeurs vidéo (seules quelques infrastructures existent pour cela dans le monde)
  • Plusieurs mois de traitement

Le fonctionnement est un peu différent de la reconnaissance d’images. Les LLM permettent d’analyser le type d’information demandé et de générer des phrases de réponse en utilisant les probabilités pour mettre les mots les uns derrières les autres.

Ce qui est incroyable (même les concepteurs ne s’y étaient pas attendu à ce point), c’est qu’il va pouvoir ressortir de votre demande, l’objet de la demande bien sûr, mais aussi l’intention, le contexte, les sentiments, le style…. Et cela grâce aux Patterns qu’il aura identifiés, sur des millions de textes, pendant la phase d’entrainement.


A ce stade on retient :

  • Qu’il faut des quantités gigantesques de données pour que l’apprentissage soit efficace
  • Qu’il a une phase de pré-traitement des données (Flattening, Tokens pour le LLM…) pour qu’elles puissent être raisonnablement traitées par des IA
  • Que l’IA actuelle est principalement basée sur les probabilités et statistiques
  • Que l’IA n’invente rien et n’est pas réellement une intelligence (qui est une notion bien plus complexe) mais,
    • Elle synthétise (bien mieux qu’un humain) le savoir actuellement disponible en numérique
    • Elle est capable d’identifier des interactions entre les données qu’un humain ne pourrait pas voir. Et ça, ça nous permet de découvrir de nouvelles choses (diagnostics médicaux, nouveaux matériaux, phénomènes sociaux…)
  • Que pour que l’IA soit efficace, il faut qu’elle ait tous les éléments qui influent sur le résultat. Pour une image c’est facile, tous les éléments qui permettent de l’analyser sont dans les pixels 😉.

Cocorico, un des grands manitous de l’IA moderne et notamment du Deep Learning, Yann Le Cun, est Français.

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à regarder ses vidéos ou interventions sur internet.

Il est aussi très clair sur les apports de l’IA actuelle mais aussi ses limites, ses risques, ses enjeux…

https://fr.wikipedia.org/wiki/Yann_Le_Cun

https://www.youtube.com/watch?v=qTGust2Ur0o


Prenons quelques exemples :

Optimiser mes stocks avec l’IA ?

On pourrait donner à une IA, les ventes historiques et, en identifiants des patterns, elle pourrait faire des prévisions permettant une optimisation de mon stock de sécurité.

En théorie oui.

Mais en pratique ce n’est pas si simple, car pour qu’elle soit efficace, « il faut qu’elle ait tous les éléments qui influent sur le résultat » (cf. plus haut).

Donc en interne, il faut :

  • S’assurer de bien catégoriser les articles parce que les ventes dépendent sans doute de la catégorie de l’article
  • Digitaliser l’ensemble des opérations commerciales pour que l’IA les prenne en compte dans l’analyse de l’historique
  • Garder un historique digital des changements de prix
  • Garder un historique des ruptures (qui elles aussi ont eu un impact sur les ventes)

Ce n’est déjà pas simple dans de nombreuses entreprises.

Mais en plus ce n’est pas suffisant. Les ventes ne fluctuent pas qu’en fonction d’éléments internes, il faudrait alimenter l’IA, sur la même période, d’éléments externes :

  • La concurrence (leurs prix, leurs opérations commerciales…)
  • La météo
  • Les politiques (TVA, aides…)
  • Les évènements (guerres, pandémies…)

Optimiser mon chemin de prélèvement dans l’entrepôt avec l’IA ?

Heu, là je ne vois pas.

Vous avez des commandes qui tombent, un algorithme simple permet de les classer pour faire des groupes permettant de réduire les déplacements par groupe et pour l’ensemble des groupes.

Pas besoin de l’AI pour cela.

Vous me direz, oui mais quid du positionnement des articles en picking pour réduire le parcours.

Oui c’est vrai, mais on revient aux prévisions et aux limites évoquées dans le point « Optimiser mes stocks avec l’IA».

Optimiser les trajets de mes camions avec l’IA ?

Là aussi, pour qu’une IA soit efficace, il faudra qu’elle ait accès à de nombreuses données :

  • Cartographie routière
  • Historique des trafics
  • Météo
  • Evènements

Vous n’allez pas pouvoir fournir toutes ces informations ☹.

Rassurez-vous, Google Maps ou Waze collectent déjà toutes ces informations et utilisent l’IA et notamment le Deep Learning pour guider vos camions au mieux.

Et malgré leurs moyens très importants, ils se trompent parfois… Car une probabilité n’ait jamais sûr à 100%.


C’est décevant, je ne peux pas utiliser l’IA pour optimiser ma logistique !

Directement, assez peu, car il vous faudrait :

  • Maitriser les concepts techniques de Deep Learning (descente de gradients, fonction de perte, propagation, overfitting, underfitting, optimisation…)
  • Accéder à toutes les données nécessaires
  • Avoir la puissance de calcul requise

Mais vous pouvez vous appuyez sur ceux qui maitrisent l’IA. Ils sont assez peu et ce sont plutôt de grosses structures (Meta, Google, OpenIA/Microsoft).

Cependant, vous pouvez, avec les LLM, (ChatGPT, Gemini, Llama, Claude) :

Accéder aux connaissances génériques plus rapidement

Connaissances génériques, au sens de connaissances pour lesquelles de la « littérature » numérique existent sur un sujet et en suffisamment grand nombre.

Analyser vos données plus rapidement

Les LLM sont aussi en train d’intégrer l’analyse de données à travers la prise en compte de fichier ou textes en pièce jointe.

Rédiger des documents plus efficacement

Là encore, les LLM peuvent grandement vous aider dans la rédaction de documents (contrats, rapports…) en se basant sur tous les documents analysés pendant la phase d’apprentissage.

Il y a donc de forts enjeux de montée en compétence de vos équipes data, projets et optimisations. Ce n’est vrai que pour les données qui sont numériques et disponibles.

Ne pensez pas leur demander : peux-tu m’aider à optimiser mon entrepôt ? Car dans ce genre de projets, il y a beaucoup de leviers non numérisables (management, culture d’entreprise, éléments visuels, connaissances non digitalisées).

Vous bénéficierez également de l’IA via les grands fournisseurs d’équipements : chariot élévateurs ou camions avec reconnaissance vidéo, systèmes de reconnaissance vocale…


Voilà un « petit » article qui, je l’espère, vous permettra de mieux comprendre l’état de l’IA et les enjeux associés qui sont considérables pour nos sociétés et un peu moins directs pour optimiser votre logistique en 2025.

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Rédigé sans IA par dIAzis !

Alexandre Buat

Expertise logistique et SI

https://diazis.com

Comprendre le fonctionnement de l’IA pour identifier les enjeux en logistique
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